Vous l’avez sûrement déjà entendu dans un épisode sur notre podcast, Anne-Sophie témoigne sur son expérience en tant que receveuse de don d’ovocytes : vouloir un enfant, craintes, préparation, ménopause précoce et bien plus.
Pour comprendre mon parcours, il faut revenir quelques années en arrière.
En 2016, j’arrête la pilule, mon principal moyen de contraception, puisque je suis célibataire et que je décide de faire une pause. Quasiment du jour au lendemain, je commence à avoir des bouffées de chaleur, à enlever puis remettre mon pull plusieurs fois par heure, à mal dormir, à transpirer la nuit… Bref, des symptômes difficiles à ignorer.
J’en parle à ma médecin, qui met cela sur le compte du stress. Quand je lui demande si cela pourrait être une ménopause précoce, elle rit en me disant que c’est extrêmement rare à mon âge et que je ne dois pas m’en inquiéter. La consultation s’arrête là. Je me dis qu’elle a raison, je prends une tisane pour « calmer mon stress » et décide de reprendre la pilule. Mes symptômes disparaissent presque immédiatement, me confortant dans l’idée que tout va bien.
En 2017, je rencontre Julien, et très vite, je sais que c’est avec lui que je veux fonder une famille. En 2019, nous décidons que c’est le bon moment pour essayer d’avoir un enfant. J’arrête de nouveau la pilule et recommence à surveiller chaque signe, à faire des tests de grossesse… mais rien. Mes symptômes reviennent : bouffées de chaleur, absence de règles. Au bout de deux mois, je m’inquiète et décide de consulter une gynécologue au CHU. Coup de chance, elle est spécialisée en PMA (Procréation Médicalement Assistée).
Elle me rassure sur le fait que deux mois sans tomber enceinte, ce n’est pas inquiétant, mais les bouffées de chaleur et l’absence de règles retiennent son attention. Elle me prescrit une batterie de tests (échographie, prises de sang) et envoie Julien faire des examens également. Les résultats tombent : ménopause précoce, comme je le craignais en 2016. J’ai 38 ans, et c’est un coup dur.
La gynécologue m’explique les options : l’adoption ou le don d’ovocytes. Au début, je veux tout laisser tomber, me disant que c’est trop compliqué. Mais Julien veut y croire, et quelques mois plus tard, nous décidons de tenter le don d’ovocytes.
Nous entamons les démarches au CECOS (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme) du CHU de Reims. Lors du rendez-vous, la médecin nous explique qu’il y a environ trois ans d’attente et que les chances de succès sont faibles. Nous sortons découragés, mais nous n’avons pas d’autre choix, sauf aller à l’étranger, ce qui coûterait environ 8000 euros. À l’étranger, le don est rémunéré, ce qui garantit des donneuses jeunes, donc des ovocytes de meilleure qualité.
Personnellement, l’idée d’un don rémunéré me dérange. Je trouve beau qu’une donneuse puisse offrir ses ovocytes par altruisme, simplement pour aider une femme à devenir mère. Mais nous gardons l’option à l’esprit, au cas où.
Les années passent. Entre-temps, ma mère, atteinte d’un cancer de la moelle osseuse, voit son état de santé se dégrader. Je suis très présente pour elle, et le quotidien prend le dessus. Je pense de moins en moins à notre projet.
Puis, en août 2021, tout s’accélère. Je reçois un appel de ma gynécologue : nous sommes en haut de la liste, et je dois commencer à préparer mon utérus. Je suis partagée entre joie et stress : la joie de cette nouvelle inattendue et le stress de gérer les soins pour ma mère, qui est très affaiblie.
Je commence une préparation hormonale, avec des médicaments trois fois par jour et des séances d’acupuncture pour épaissir mon endomètre. Je mets toutes les chances de mon côté, même si je découvre que les chances de réussite la première fois sont d’environ 17%. Ce chiffre me refroidit, mais je garde espoir.
La date de la FIV est fixée : prélèvement des ovocytes le 17 novembre pour la donneuse et insémination pour moi le 19. Mais quinze jours avant, ma mère décède. Le choc est immense. Entre la douleur, les préparatifs de l’enterrement et la préparation de mon corps pour accueillir une vie, je suis épuisée. Nous hésitons à annuler, mais décidons de maintenir : « Si ça marche, ce sera un signe », me dis-je.
Le jour J, une surprise : on m’informe qu’on va transférer deux embryons, augmentant les chances de réussite, mais aussi la possibilité de jumeaux. Je leur fais confiance. Après la procédure, il faut attendre 15 jours pour connaître le résultat.
Le 19 novembre, je vais faire ma prise de sang, sans trop y croire. L’après-midi, au rayon salle de bain d’Ikea (je me souviendrai toujours de cet endroit !), je reçois le mail : positif. Je suis bouleversée, j’appelle Julien qui reste prudent malgré tout. Au milieu de ce deuil, une vie s’accroche, une lueur d’espoir.
Aujourd’hui, notre petit garçon a 2 ans. Il est adorable, et je suis fière de lui raconter son histoire. Je pense souvent à cette donneuse, l’une des 15 femmes qui ont fait ce don cette année-là au CHU de Reims. Grâce à elle, je suis devenue mère.
Ma vie de maman est semblable à celle des autres : amour, crises, angoisses et bonheurs. Mais elle porte aussi en elle une immense gratitude pour ce geste altruiste qui a tout changé.