Bon Sang est parti à la rencontre de Aurore et Alice : les fondatrices du Festival Cyclées : C’est un événement pluridisciplinaire qui réunit des artistes de différents horizons autour de la thématique du cycle menstruel. Que ce soit une réflexion autour de l’influence du cycle menstruel sur la pratique artistique, le sujet d’une œuvre en soi ou encore une démarche spécifique liée à des sujets sous-jacents, notre festival vise à créer des synergies artistiques et militantes. Celui-ci a été cofondé par Alice Miljanovic, danseuse et chorégraphe sensible à la notion de mouvement, et Aurore Le Ludec, artiste textile dont le processus pictural prend pour point de départ la phénoménologie menstruelle.
Notre démarche s’inscrit dans une volonté de visibiliser et sensibiliser les potentiels liens entre cycles menstruels et art. Comment est-ce qu’en tant qu’artiste l’on peut travailler ce sujet à travers son médium, et/ou comment la vie d’artiste peut-être bouleversée, influencée par les cycles menstruels de cette dernière ?
Ce festival a donc pour but de mettre en lumière ces questions, à travers différentes disciplines artistiques exposées ou performées, des ateliers & une table ronde pour échanger et discuter. Nous parlons de cycles pour ne pas mettre le focus que sur les règles, comme ça l’est souvent dans l’imaginaire dès que ce sujet est mentionné, mais aussi sur les différents troubles du cycles, la question des contraceptions, outils menstruels, discours sur le corps cyclé etc…
Alice : J’étais dans une démarche de rencontre avec d’autres artistes travaillant sur le sujet comme sa recherche, c’est alors que je rencontre Aurore Le Ludec avec qui j’ai beaucoup discuté des questions qui m’animent. Ça a tout de suite matché et on s’est dit qu’il faudrait un espace concret pour penser collectivement ses sujets, est alors né le Festival Cyclées.
Aurore : L’idée est venue de la rencontre entre nos deux univers et la volonté de créer un espace d’exploration assez large sur un sujet vaste que sont les menstruations.
Alice : Plus de danse ou du moins d’art vivant, c’est très peu représenté jusqu’à présent !
Aurore : Nous avons déjà eu des artistes reconnus comme ORLAN ou Berlin Boudoir donc ce serait génial de continuer sur cette lancée et d’avoir des artistes qui nous permette un rayonnement et une certaine légitimité ! Valie Report ? Judy Chicago ?
Alice : Avoir des sous et du soutien ! Même si c’est un sujet un peu plus en “vogue”, il y a tout un cliché de performance avec du sang pendant 7h sur des draps blanc (ce qui peut exister et qui peut tout a fait se défendre par ailleurs) et qui peut renvoyer à un imaginaire cloisonné et “cliché”. Et donc casser les stéréotypes, comme le fait qu’il y aura du sang (quand bien même et alors ?), et trouver des lieux, des financements…c’est dur ! Déjà dans l’art en général, et puis Aurore et moi sommes artistes, pas chargées de production ou de diffusion ou même de comm’ ! Ce sont des métiers très différents mais malheureusement nous sommes obligées d’avoir toutes ces casquettes et donc sans toutes ces formations il peut nous arriver de faire des erreurs.
Aurore : Alice a tout dit, ce qui est compliqué c’est de faire du travail bénévole pour ma part car j’ai déjà mon activité d’artiste qui est précaire !
Alice : Partager ensemble et visibiliser, c’est pour nous une question féministe comme une autre, avec derrière des enueux de luttes contre la précarité des artistes femmes et la précarité de l’accès aux soins et produits mensturels par exemple, les violences gynécologiques, l’aniélisation des douleurs des femmes…
Aurore : Pour moi l’inspiration c’est la rencontre entre différents domaines artistiques autour d’un même sujet engagé et le format “festival” nous paraissait le plus adapté !
Alice : Personnellement, j’aime chaque étape du processus, de la connexion des idées entre elles, de l’organisation de plans d’actions, de la rencontre avec les artistes à la concrétisation de chaque édition. Je dirais plutôt que ce que j’aime le moins c’est la gestion réseaux sociaux et comm’, heureusement c’est plutôt Aurore qui gérait ça !
Aurore : J’ai beaucoup aimé découvrir des nouvelles artistes qui traitent de ce sujet et de les mettre en relation dans le cadre d’une exposition et je pense que ce que j’apprécie le plus c’est notre collaboration avec Alice qui est assez fluide. Pour ce qui est de la comm’, oui ça m’amuse beaucoup mais ce n’est pas mon métier et c’est très chronophage donc sans rémunération c’est parfois difficile !
Alice : Partout où l’on voudra bien de lui ! Sans aide (lieux d’accueil, subventions, mécénat…), c’est très dur ! Pour le moment nous ne nous sommes jamais rémunérées sur le Festival. Le mécénat nous aiderait beaucoup par exemple mais il faut aussi pouvoir situer chaque édition dans un lieux, voir dans une programmation.
Aurore : On a déjà des pistes pour Montréal ou Berlin mais il faut encore trouver des lieux et des subventions. Personnellement, je serais désormais installé à Montréal donc si je peux être un relais en Amérique, ça pourrait nous ouvrir de nouvelles portes !
Alice : À titre personnel je ne sais même pas si il l’a déjà été, ou bien l’ayant senti dans les yeux des autres, mais je dirais que ça dépend de quelle génération on parle, de quels endroits, sociétés, codes…il existe milles manières de voir les règles ou les cycles menstruels, bien que je crois pouvoir dire que beaucoup de pensées convergent sur une perception patriarcales du corps des femmes et donc de ses règles en l’occurrence. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a de plus en plus de personnes qui œuvrent pour faire changer les choses !
Aurore: Oui je trouve que ça s’est refermé en tout cas dans les arts-plastiques, on est plus dans les années 60-70 qui ont vu naître l’art menstruel avec des artistes comme Valie Report ou Judy Chicago. Personnellement j’ai dû mettre de côté cette dimension de mon travail pour pouvoir réussir certaines candidatures. Il y a donc de nouveau du travail à faire pour que ce sujet ne soit plus tabou dans le monde de l’art.
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